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« Je suis fier du fait qu’au fil du temps, alors que nous avançons en âge, nous pouvons continuer à évoluer et faire de la musique qui change et semble demeurer significative pour un grand nombre de personnes », observe Conner Molander, parlant de son groupe, Half Moon Run, qui en est déjà à leur 10ième anniversaire d’existence. « Ce n’est pas comme si nous avions trouvé “la formule magique” et que nous avions percés et obtenu du succès grâce à “cette formule”, mais on peut affirmer que 10 ans, c’est beaucoup d’années passées ensemble à créer, pour un même groupe de personnes. Il faut donc continuer de se permettre, à soi, mais aussi aux autres membres du groupe, de changer et de grandir … et même se permettre de laisser certaines choses derrière. » C’est selon cette norme, que Half Moon Run poursuit son évolution.

Lorsque l’on considère tout ce que le groupe montréalais a accompli, réalisé, gagné et perdu au cours de son existence, la dernière décennie peut tout aussi bien avoir été un siècle. Il s’agit d’un groupe né pendant la révolution du Mile End: Molander et Dylan Phillips, tous deux originaires de la Colombie-Britannique, s’y sont associés à Devon Portielje, expatrié d’Ottawa, quelques années après qu’Arcade Fire ait placé la métropole sur la carte internationale du « rock indie », et juste avant que le trio s’associe à la même étiquette que Grimes, qui inaugurerait un nouveau chapitre et changeait la tradition pour le « do it yourself » de Montréal. C’est donc pendant ce moment de transition que Half Moon Run a construit un son qui lui est singulier, qui trépasse le passé et de l’avenir de la musique de Montréal, vers un royaume intemporel. Leur genre est celui qui inspire toutes sortes de couleurs, de descriptions contradictoires – musique considérée « folk » pour une ère sombre moderne, « art-rock » pour les amateurs d’harmonies pop, « indie » rustiques pour les têtes néoclassiques – mais peu importe comment vous le définissez, les réactions physiques et émotionnelles des auditeurs sont toujours les mêmes: les battements de cœur s’accélèrent, la chair de poule monte, les orbites se redressent. « La chimie venait d’opérer », dit Molander, à propos de la période de formation du groupe. « Nous avons décidé que nous allions abandonner tout ce que nous étions en train de faire et que nous allions mettre le groupe en priorité dans nos vies respectives. J’ai donc abandonné l’université… à ce moment-là, il n’y avait pas de retour en arrière. »

Le pari a porté fruit presqu’immédiatement. En 2012, à partir du moment où Half Moon Run a sorti son premier album « Dark Eyes » avec Les disques Indica, il n’appartenait plus qu’à Montréal, mais au monde entier. Alors que le premier single de l’album « Full Circle », s’est hissé dans les classements alternatifs au Canada, un accord américain avec Glassnote Records a placé le groupe en bonne position de la liste des « Heatseekers » de Billboard, tandis que sa diffusion régulière sur la BBC a attiré l’intérêt de Ben Lovett, claviériste de Mumfords & sons, qui a signé Half Moon Run sur son étiquette Communion au Royaume-Uni. Mais alors que les offres de tournées internationales ne cessaient d’affluer (y compris les offres en ouverture de « Mumfords » et de « Of Monsters and Men »), le trio a commencé à explorer l’idée d’ajouter un nouveau musicien parmi leur rang, afin de pleinement réaliser et offrir la sonorité désirée lors de leurs performances sur scène.

Et c’est ainsi qu’une ancienne connaissance du BC de Molander et Phillips, Isaac Symonds, fait son entrée dans le groupe. Bien qu’il ait été initialement engagé à titre de soutien, qui – comme le trio fondateur – est un chanteur et un multi-instrumentiste talentueux, il aura fallu près de deux ans sur la route, pour que Symonds soit ajouté comme membre officiel de Half Moon Run, ainsi devenu quatuor. Pour de nombreux fans du groupe à travers le monde, c’est à quatre membres qu’ils ont découvert et aimé le groupe Half Moon Run pour la première fois: une machine énergique à huit bras, qu’on pouvait voir s’échanger d’instruments sur scène après chaque pièce – ces membres bondissants entre guitares, percussions, claviers et « pedal steel » – tout en offrant leur signature d’une facilité télépathique désormais emblématiques, leurs harmonies à quatre voix. « Le spectacle en direct est devenu une machine bien huilée, nous étions super confortables sur scène », dit Molander. « Nous sommes devenus tellement habiles à jouer la musique que nous avions composée, qu’on se permettait davantage d’improviser un peu. On vivait vraiment un bon moment de scène, la sensation d’offrir une présentation fluide. »

Cependant, comme le mentionne Molander, l’inconvénient à devenir des guerriers chevronnés de la route est « qu’il est devenu plus difficile d’écrire et de composer, car les tournées interrompent le flux mental nécessaire à l’écriture et à l’introspection. Pour nous, le processus d’écriture nécessite beaucoup de focus et de planification. » Cela explique les écarts prolongés entre Dark Eyes et ses successeurs – Sun Leads Me On en 2015 et A Blemish in the Great Light en 2019 – l’éthique méticuleuse de Half Moon Run a toujours fonctionné à leur avantage, alors que le groupe a continué d’étendre sa portée à chacune de ses sorties, sa sonorité s’est épanouie de manière inattendue. Embrassant à la fois l’éclat de surface un peu « yacht-rock » des années 80 et les structures complexes de chansons rock progressives, A Blemish in the Great Light a été la sortie avec les meilleurs palmarès de Half Moon Run au Canada à ce jour (débutant au 3e rang) et leur a valu leur premier Juno pour l’album adulte alternatif de l’année 2020. « Pour nous, Blemish était un saut dans une direction différente, du moins sur le plan sonore », admet Molander. « Nous avons été accusés de nous cacher derrière un rideau sombre – c’est que le son de notre premier disque était un peu plus profond, obscur et nuageux. Et même si j’ai toujours aimé ce genre de musique un peu obscure, avec Blemish, nous nous sommes dit: ‘Bon, essayons d’égayer et de proposer un son qui va un peu plus loin. »

Une fois qu’un groupe atteint un nouveau sommet créatif, il est inévitablement confronté à une question fastidieuse: on s’en va où maintenant? En 2020, même avant que la pandémie de COVID-19 ne retire tous les artistes de la route, Half Moon Run prévoyait déjà des bouleversements internes à l’horizon. « Alors que nous étions à mi-chemin du cycle de l’album de Blemish, le groupe et l’équipe de gérance planifiait déjà une semaine de retraite afin de faire quelques mises au point », raconte Molander. « À ce moment-là, cela faisait presqu’une décennie que le groupe existait, et il y avait une certaine accumulation de « bois mort » – n’importe quelle compagnie a ce genre d’accumulation avec le temps. Notre production de tournée était devenue beaucoup trop élaborée: nous avions un bus avec une remorque à l’arrière, puis un autre camion cargo à la suite, et c’était tout simplement trop dispendieux. Donc, certaines choses comme celle-là devaient changer. On se sentait comme si nous avions passé en revue toutes les ressources créatives possible pour arriver à nos fins. Nous n’étions pas très enthousiastes à l’idée de nous remettre ensemble pour écrire. »

Alors que les plans d’une semaine de retraite cédaient plutôt la place à un an (et plus) de confinement international forcé, Half Moon Run a pu garder la tête hors de l’eau avec des sorties improvisée comme le EP « Seasons of Change » (une collection de 6 chansons laissées de côté lors des sessions effectuées pour Blemish) et leur populaire session de Covideos sur YouTube, où le groupe a profité du confinement individuel pour retravailler quelques sélections de son catalogue dans des séances musicales virtuelles, sur écran partagé, où chaque membre jouait ses parties de manière isolée à la maison. (Les résultats ont finalement été compilés sur un album du même nom.) Pendant ce temps en coulisses, le groupe allait connaître la fin d’une époque: Après huit ans au poste de quatrième roue cruciale de Half Moon Run, Isaac Symonds annonce qu’il quitte le groupe, et assure qu’il reste en bon termes avec les membres restants. « Quand la COVID a frappée », explique Molander, « je pense que tout le monde a vécu une sorte d’introspection et s’est demandé : Qui suis-je? Quelles sont les choses les plus importantes dans ma vie? De quoi puis-je me débarrasser? » Et c’est dans ce contexte que Isaac a décidé qu’il était temps pour lui de prendre une nouvelle direction. C’est donc ainsi, au milieu de la situation de COVID-19, que nous nous sommes retrouvés à trois – moi, Dev et Dyl – de nouveau ensemble, comme nous avions commencé il y a 10 ans. »

Seulement cette fois, ce retour aux sources est accompagné par une décennie d’expérience d’enregistrement, qui a permis à Half Moon Run de prendre le contrôle total de sa production. Après avoir travaillé avec des producteurs de rock de premier ordre comme Jim Abbiss et Joe Chiccarelli dans le passé, Half Moon Run a enregistré son nouvel EP de six chansons, intitulé Inwards & Onwards, entièrement seul dans leur studio de pratique. En plus de les soulager de la pression liée au travail effectué dans un studio d’enregistrement à 1000 $ par jour, ou essayer de concilier leur vision avec les opinions d’un producteur, la configuration « do it yourself » a permis à Molander, Phillips et Portielje de rétablir naturellement leur chimie à trois voies, et ce à leur rythme. « J’ai récemment entendu « Drug You » (de l’album Dark Eyes) à la radio », raconte Molander, « et je me suis dit: « Ah, ouais! J’entends Dev, j’entends Dyl et je peux m’entendre aussi, il est possible de reconnaitre chacunes de nos parties respectives, mais elles s’intègrent bien dans un tout cohérent. J’ai toujours voulu que le groupe ressente ça, et beaucoup de morceaux de ce EP ont cette qualité triangulaire – la séparation dans les voix, mais l’unité dans l’ensemble. »

La genèse « stress-free » de ce EP se reflète dans sa sensation de détente et dans une certaine expérimentation sans effort: l’ouverture « How Come My Body » fusionne une douce berceuse avec des rythmes de « dub » harcelants, tandis que l’atmosphère nocturne brumeuse de « It’s True » imagine Radiohead piégé dans la bande originale de « Midnight Cowboy ». Et bien sûr, Inwards & Onwards regorge de vitrines pour les harmonies si bien ficelées de Half Moon Run, qu’elles brillent un peu plus sur le folk-rock léger de « On and On » et la ballade soul lissée d’orgue de « Tiny ». Mais vous découvrirez également le sens de l’humour sous-estimé de Half Moon Run se manifester: alors que la construction au piano de « Fxgiving » reflète la tourmente interpersonnelle décrite dans les vers de Portielje, vous ne pouvez pas vous empêcher de sourire quand il livre le refrain. (« À quoi diable pensiez-vous? / Pensiez-vous que je pardonnerais? / Aviez-vous ce sentiment de naufrage? / Parce que je ne célèbre pas fxgiving.”)

Half Moon Run a certainement parcouru un long chemin – musicalement, spirituellement, géographiquement – depuis leurs modestes débuts dans le Mile End de Montréal. Mais après 10 ans, trois albums, des centaines de spectacles et une pandémie mondiale plus tard, Half Moon Run a vraiment conclu – selon les mots de leur chanson signature de 2012 – un « Full Circle ».

« La raison pour laquelle nous avons quitté notre emploi et abandonné l’école dès le départ est que nous avons une certaine chimie triangulaire », dit Molander. « Je pense que si nous étions revenus ensemble dans la même pièce et que nous avions eu le sentiment que ce n’était pas le cas, alors nous aurions abandonné, car c’était le moment de prendre ce genre de décisions. Mais le sentiment a été merveilleux. C’était un réel plaisir, et j’ai hâte très de faire un album complet dans cette nouvelle, mais ancienne, configuration.